Je n’aime plus la moto

Ce titre digne des plus mauvais clickbaits n’en est pas moins une réelle question que je me suis posée à la rentrée. Aime-je encore la moto, kiffe-je toujours rouler ? Je n’étais pas très sûr du penchant positif de la réponse. Et ça m’a paru être aussi triste que dramatique.

La moto c’est une passion et aussi une partie de moi. Un bout de ma personnalité, de ce que je mets en avant. La façon dont j’ai rencontré la plupart des gens que je connais aujourd’hui. Ça a pris beaucoup de place depuis 5 ans, m’a permis de faire des choses folles et de vivre beaucoup d’émotions. Mais si je ne suis plus cette motarde là, je suis qui ? Si je n’aime plus la moto, je fais quoi ? Si je n’ai plus rien à dire à ma communauté, il reste qui ? Le grand vide. Et je fais quoi de cette bécane, je la revends ou j’attends qu’elle rouille dans mon garage ?

Je cherchais des motivations, des bons souvenirs pour me remotiver. Mais je n’arrivais pas à mettre la main sur un kiff récent. Un kiff de moto pur, pas lié aux gens, aux voyages, aux événements. Juste la moto et moi. Je me suis trouvée bien ingrate. J’ai quand même fait le tour de tous les événements auxquels je ne pouvais pas participer avant d’être indépendante. J’ai traversé la France 3 fois cet été, j’étais partout. J’ai bossé sur des projets, j’ai écris pour des magasines. Et puis maintenant que j’habite dans le sud, quand même, je peux en profiter tout le temps et aller bosser en moto. N’étant pas du genre enfant gatée j’ai continué à creuser pour aller là où était mon dernier kiff.

Il m’a fallu remonter jusqu’à aout 2017. J’ai fermé les yeux et je me suis revue pendant ce 1/2 tour de France que j’avais parcouru seule, en retrouvant des amis à chaque étape. Paris, Vosges, Jura, Nimes, Clermont-Ferrand. Ne prenant que des petites routes, prenant le temps, n’ayant aucun impératif. Les paysages, le hasard, la moto et moi. L’exact opposé de ce que j’ai fait cette année, riche, organisée et très remplie. Beaucoup trop de rendez-vous, beaucoup trop d’autoroutes, pas assez d’imprévu.

Alors je suis allée la regarder dans le jaune de son phare et on s’est parlé franco. Non je ne me forcerai plus à prendre la moto pour courir partout, par practicité, pour remplir mes réseaux sociaux. Non je ne remplirai plus mon agenda de la saison comme si la fin du monde était en septembre. Oui j’assumerai de kiffer rouler seule, sans rien prévoir d’autres que mon GPS. Oui je serai contente pour tous ceux qui partagent leur expérience de fou sur Internet sans me dire que j’ai tout loupé, que j’aurai du y aller. De son côté elle m’a promis de ne plus s’arrêter subitement sur l’autoroute en pleine canicule. Je ne lui demande rien de plus.

Pour tester notre confiance mutuelle on est partie faire un tour. Pas loin, au hasard, sans but autre que de voir si c’était la dernière fois qu’on sortirait ensemble, ou non. Au bonheur d’un après-midi ensoleillé comme on peut en avoir dans le sud en automne. On a pris de nouvelles routes, on s’est arrêté pour en profiter, on a regardé la mer, on est rentré sereines. Et on s’est dit qu’en fait, elle et moi c’était pas encore terminé.

Finalement, j(e l)’aime toujours l(m)a moto.

Si j’écris moins, s’il y a surtout des dames qui font des fuck sur ma page, si je poste aussi des photos de plage sur Instagram, tant pis. Ou même tant mieux ! J’arrête d’être mon pire juge, je refais les choses pour moi d’abord et je ne donne plus aucun putain (traduction littérale de l’intraduisible To Not Give A Fuck). Je vais reprendre là où j’en étais. Septembre 2017, je rentre à Paris pour démarrer une nouvelle partie de ma vie sans me soucier de l’après. Novembre 2018, l’après de passe très bien et présage d’encore meilleurs après.

Photo cover : Bruno Santos