Un dimanche matin d’automne, je voulais aller rouler. Un peu. Histoire de faire tourner la moto, éviter que la batterie ne se vide, meilleure excuse pour justifier d’aller prendre l’air. Mais c’était sans compter sur le froid attisé par le mistral. Dans le sud, il fait toujours beau, jusqu’a ce qu’il fasse un peu froid. Alors je ne roule pas, je vais simplement débrancher la batterie pour la charger dans le salon. La regarder clignoter pour compter les jours jusqu’à la prochaine balade et surtout la prochaine aventure de voyage.
Ce même dimanche matin venteux, je reçois un message d’un amie motard. Il prépare un roadtrip aux USA en Harley-Davidson. Bien sur on appelle la meilleure hotline de la route dans ce cas là. Mam’ Powers pour vous servir. Alors je replonge dans mes souvenirs… juin 2017… remonter dans les archives de ma mémoire… ah tiens et si j’allais voir sur mon blog. Dans ce temps là, je prenais plaisir à écrire, j’étais assidue et je racontais pas le menu mes voyages. Je vous partageais mon roadtrip US par la route 1 et Angeles Crest entre San Francisco et Los Angeles. Je le faisais au fil des jours du voyage.
Je relis mes posts et je me rends compte que j’en ai oublié plein de détails. Bien sur je me souviens à peu près de la route, des grandes étapes, de certains panoramas ou belles rencontres. Mais tous ces petits moments qui font que cette aventure était la mienne, ses ressentis à la fin d’une journée, ces angoisses de voyager seule et ses énervements passagers… il y a trop pour que je me souvienne de tous. Et pourtant je les redécouvre avec plaisir et émotion. Ils me replongent instantanément sur place. Mais oui ma batterie qui est a plat le petit matin du dernier jour. Bien sur cette flippe de crever de chaud dans le désert. Ahah le kiff de bouffer dans un dinner avec des rednecks qui crient AMERICA !
Je regarde la date de mon vrai dernier post : février 2020. Avant. Avant qu’on soit bloqué chez nous, avant qu’on se pose la question de notre impact sur les autres et sur le planete, avant qu’on ne puisse plus faire de projets sans penser assurance annulation, avant que je ne rencontre mon mec et qu’on s’installe ensemble. Tellement de choses ont changé depuis février 2020. J’ai fait plein de choses, vécues de nouvelles aventures, dépasser quelques limites. Mais il n’y a rien ici pour que je me souvienne des détails, à part des tonnes de photos que je ne regarde pas vraiment. Oublier, voila une de mes grandes angoisses. J’ai la chance de vivre des moments forts, fous, importants, que je me construis ou que je chope à la volée et je me dis parfois que si on ne s’en souviens pas, ils risquent de disparaitre. La photo me sert à me rappeler du moment en images, mais pas en détails et pas toujours en ressentis.
Depuis février 2020, j’ai des images du confinement 1 (un vrai calvaire), du confinement 2 (une formalité), du confinement 3 (balek on va a milan « pour le travail »). Des images des découvertes chassées pour Michelin et le guide moto (magique Mercantour), de celles faites pour leur Guide Vert (la belle vie d’auteur de guide). Des images de routes, de cols (et de bouffe). Des images des événements auxquels j’ai participé, des gens que j’y ai rencontré, du week-end de motardes que j’ai organisé… Bien sur je me souviens de tout ca, en gros, un peu émoussé par le temps. Mais à la lecture des récits de mes précédents voyages, je regrette n’avoir pas pris le temps de les rédiger, à chaud, pour y consigner tout ce qui m’a paru important sur l’instant. C’est tout ce qui me restera quand je serai vieille et qu’on se racontera nos histoires folles dans l’EPHAD des motardes et motards. Pour masquer mon alzheimer, j’irai relire mes posts et raconter toutes ses anecdotes à mes camarades comme si c’était encore frais dans ma mémoire.
Et si je m’y remettais, ne serait-ce que pour la vieille Alice à venir ?
